"...ce bruit mystérieux sonne comme un départ..."

La lumière de ce matin de juin aura été voilée par la nouvelle que j'ai apprise ce matin. György Ligeti est mort. Et moi qui plaisantait encore l'autre jour en hésitant à acheter le dernier recueil paru de ses études pour piano (le troisième), prétextant que d'ici peu il y en aurait d'autres et que je pouvais bien attendre qu'ils éditent un volume plus fourni. Et bien non, ces quatre dernières resteront quatre (à moins qu'il existe des manuscrits encore non publiés).
Et bien voilà, celui qui a si bien porté en musique la farce macabre de Ghelderode a fini par rendre justice à Nekrotzar (a-t-il pris "l'escalier du Diable" ou la "Colonne infinie" ?)
Il nous reste l'enchantement qu'il nous lègue à travers sa musique, et la réflexion de ses textes qui témoignent de son exigence, de sa recherche continue de nouvelles idées, loin de toute position dogmatique.

Dhvani " />

Cher Dhvani, Ligeti s'en est donc allé...Oh ! A l'âge (83 ans, je crois ? ) où les départs pour l' "ailleurs" sont assez fréquents...
Quant à savoir s'il aura, pour ce faire, emprunté l' "escalier du Diable " ou la "colonne infinie"... Peut-être en est-il du compositeur comme de ces personnages de la Ballade du Grand Macabre: " Nous demeurons encore trop vivants pour être morts !" (c'est une réplique de la pièce de Ghelderode - que je connais bien pour l'avoir mise en scène jadis, il y a de cela plus de 30 ans ! ) En revanche, je ne connais pas son opéra...Et j'avoue que, hormis le requiem , rien de ce que j'ai entendu de Ligeti ne me touche vraiment...Respect à l'homme et au musicien mais...sans doute resterai-je étranger à cet hypothétique "enchantement qu'il nous lègue à travers sa musique"...?

Citation :

Cher Dhvani, Ligeti s'en est donc allé...Oh ! A l'âge (83 ans, je crois ? ) où les départs pour l' "ailleurs" sont assez fréquents...

On peut dire, Oudread, que ta réflexion est pleine d'à propos et de clairvoyance puisque Raymond Devos nous a quitté lui aussi au même âge !
Toute réflexion sur la marche inexorable du temps et notre fragile condition humaine mise à part, je dois dire que j'aurai préféré que Ligeti fasse un beau centenaire (lui aussi peut-être ?), après tout, Dutilleux continue inlassablement d'écrire à 90 ans et dans un autre domaine je me souviens avoir entendu Arrabal raconter une de ses visites à Ernst Jünger qui témoignait à 103 ans d'une vivacité enviable...
Pour en revenir au Grand Macabre, je ne l'ai malheureusement pas vu, je me contente de l'enregistrement audio qui en a été fait, et vogue l'imagination.
Je ne connaitrais probablement pas la pièce de Ghelderode sans cet opéra ; d'ailleurs, je n'en ai pas encore lu le texte que j'ai justement acquis récemment, histoire de voir les arrangements et coupes qu'elle a subie.
Etait-ce une belle expérience pour toi de mettre en scène cette pièce ?

Dhvani " />

"Clairvoyance"...? Oh ! non...pur hasard...
Certaines longévités (humaines) sont, en effet, étonnantes; et concernant certains artistes touchées par cette "grâce"-là, scintillent de créations d'une telle qualité ( doublée d'une "jeunesse" qu'on ne soupçonnerait pas chez des êtres ayant atteint cette phase ultime) que cela bouscule considérablement les idées reçues...Les exemples ne manquent pas, et il serait fastidieux de commencer une énumération...

Si l'expérience fut enrichissante...? Naturellement; le théâtre ayant été, avec la musique, mon autre passion. Comme la découverte d'une partition dont vous admirez l'écriture, les trouvailles...Ainsi en a-t-il été des Marivaux, Molière, Tchekhov, Annouilh, Obaldia...que j'ai abordés ( sur le plan de la mise en scène) avec le même enthousiasme que pour Ghelderode...dans un esprit ( et avec des moyens) "amateur", et dans un contexte universitaire. Mais j'avoue aussi que c'était à une époque de mon existence, pleine de curiosité, d'ouverture d'esprit...un moyen aussi de m'affirmer dans un domaine dont j'aurais bien fait mon métier alors que.. j'en étais encore à chercher "ma voie"...! Il faut croire que...je pris finalement conscience que, dans ce domaine-là, du moins, (le théâtre) d'autres se montraient bien plus convaincants que moi !

Oudread a écrit:

Marivaux, Molière, Tchekhov, Annouilh, Obaldia...que j'ai abordés avec le même enthousiasme que pour Ghelderode...

Heureux homme, qui a eu le privilège, cherhé et donc mérité, de te pencher au plus près de ces œuvres. que de choses doit-on y découvrir ! et quelle démarche vers l'esprit de ce génie que nous ne saurons atteindre ni même comprendre et encore moins expliquer.

Dhvani a écrit:

Il nous reste l'enchantement qu'il nous lègue à travers sa musique, et la réflexion de ses textes qui témoignent de son exigence, de sa recherche continue de nouvelles idées

Je fais toujours la différence entre l'artiste et l'homme. l'homme meurt, ce n'est rien de plus grave ni de moins grave que la mort de tout autre homme, et infiniment moins révoltant et dramatique que celle de l'enfant mal voire non nouri du pays le plus pauvre de la terre et dont nous n'entendrons jamais parlé. Ce drame-là est in comparable à la mort somme toute logique d'un homme de 83 ans, comme le souligne juducieusement Oudread. ta réflexion, ami Dhvani, est belle. S'il a décidé de mourir là, n'aie crainte, c'et que tout était dit. Et son œuvre n'a besoin de rien d'autre que ce qu'elle est. L'essentiel était dit. Point de superflu. ite missa est. Deo gratias...

Il paraitra en automne chez Harmonia Mundi, une très belle interprétation de Lux Aeterna. Je ne me lasse pas d'écouter l'extrait de 9'50 que j'ai !